Discours d’ouverture de John Sutton

Conférence des syndicats de la construction de la région Asie-Pacifique

 

Sydney, 18 – 19 novembre 2002, Australie

 

Discours d’ouverture de John Sutton

 

Permettez-moi d’abord de saluer chaleureusement cette rencontre internationale des syndicats de la construction d’Asie-Pacifique. Certains parmi vous ont fait un long trajet pour participer à cet important séminaire – nous vous remercions vous et vos organisations pour cet effort – et nous avons l’espoir et la confiance que ces efforts seront rémunérés et que ne notre conférence de deux jours sera couronnée de succès.

 

En fait, cette rencontre de délégués des syndicats de la construction d’Asie-Pacifique est un événement historique. Nous avons parmi nous les délégués de neuf pays représentant les syndicats et les travailleurs de la construction. Il y a parmi nous un dixième pays qui, alors qu’il a dû annuler son voyage à la dernière minute, nous a fourni un texte contenant des informations précieuses sur la situation dans ce pays. On peut donc dire que dix pays participent à notre rencontre aujourd’hui: La Chine, La Corée du Sud, le Japon, les Philippines, l’Inde, le Bangladesh, la Malaisie, l’Indonésie, l’Australie et la Nouvelle Zélande.

 

Les difficultés qu’ils ont rencontrées pour obtenir le visa expliquent l’absence de nos amis du Pakistan et les délégations vietnamienne et malaysienne n’ont pas pu se joindre à nous pour des raisons imprévues.

 

Ce séminaire repose sur une initiative conjointe et le parrainage de l’UITBB et de son affilié australien, la Division Construction et Annexes de la CFMEU.

 

Je dis bien une rencontre historique, car il s’est écoulé huit ans depuis la dernière rencontre de syndicats de la construction d’Asie-Pacifique accueillie par l’UITBB et c’est la première fois que la CFMEU ou ses prédécesseurs accueillent une rencontre des syndicats de la région Asie-Pacifique.

 

L’adage fameux, selon lequel “nous traversons une période intéressante” s’avère probablement correct, si nous examinons la configuration régionale actuelle. Autrement dit, la toile de fond de ce séminaire est constituée par des changements profonds, une complexité énorme et de gigantesques défis. Il n’y a pas dans le monde de région qui connaisse une croissance plus rapide et plus dynamique, qui soit marquée par une telle complexité culturelle et une si grande diversité sociale et politique que l’Asie et le Pacifique.

 

Les dix pays participant à ce séminaire abritent près de la moitié de la population mondiale et ils affichent des taux de croissance démographique qui ne laissent aucun doute quant à l’accroissement du nombre d’habitants dans cette région du monde.

 

Une telle croissance démographique pose des exigences majeures en termes d’infrastructures sociales et physiques et elle est le gage du développement de l’activité dans le secteur construction dans les décennies, voire dans les siècles à venir. Cela signifie bien évidemment que les travailleurs de la construction et leurs organisations syndicales auront à jouer un rôle qui sera non seulement croissant, mais crucial pour le développement de la région.

 

Et ce n’est pas par hasard que j’évoque la diversité de la région: Elle est reflétée dans la diversité des participants à ce séminaire. Nous avons parmi nous des délégués de pays fortement peuplés tels que la Chine et l’Inde, et d’autre part les délégués de Nouvelle-Zélande qui compte à peine 4 million d’habitants.

 

Nous avons parmi nous des délégués venus de pays communistes et des syndicats à orientation communiste, ainsi que des délégués représentant des syndicats dont l’orientation est plus conservatrice; des délégués de pays de culture clairement asiatique et des pays représentant des cultures qui constituent un mélange d’ingrédients indigènes et coloniaux jusqu’aux pays tels que l’Australie et la Nouvelle-Zélande à forte dominante culturelle européenne.

 

Pour moi ce mélange de personnes et de cultures est fascinant et il devrait être le gage de discussions riches (ou pour le moins confuses) pendant les deux jours qui nous attendent. Je suis optimiste et j’opte pour le premier qualificatif.

 

Le choix de la date et du lieu de cette réunion ici à Sydney s’est avéré juste. Elle offre au mouvement syndical de notre région la possibilité de s’exprimer sur toute une série d’événements significatifs récents qui ont un impact sur notre situation.

 

L’OMC a conclu une réunion des ministres du commerce à Sydney vendredi dernier. Ils se sont rencontrés dans le même hôtel dans lequel nous dînerons ce soir. Je suis sûr que les délégués à notre séminaire souhaiteront confronter leur vision de la croissance économique et du développement avec celle préconisée par les représentants du grand capital qui actuellement contrôlent l’OMC et la Banque mondiale et en profitent.

 

Nous sommes réunis à la veille du retour des inspecteurs onusiens en Irak en application de la résolution du Conseil de sécurité sur l’Irak. Au cours des quatre derniers mois nous avons été témoins de la détermination effrénée de la part de George W. Bush et de la machine impérialiste des Etats-Unis qu’il commande, à menacer non seulement enfants, femmes et hommes innocents en Iraq, mais aussi les Nations unies auxquelles il voue tout son mépris en essayant d’imposer sa perception du monde en brandissant sans relâche la menace de recours à l’action militaire unilatérale.

 

Cette démarche s’inscrit dans l’esprit des propos qu’il a tenus après les atrocités du 11 septembre : « Qui n’est pas avec nous, est contre nous » et sera traité conformément. Le fait qu’un cow-boy est à la direction de la Maison Blanche nous préoccupe tous profondément, y compris dans la région Asie-Pacifique.

 

Un autre événement récent qui a marqué particulièrement les Australiens et les Indonésiens, ce sont les faits qui se sont déroulés sur l’île de Bali, le 12 octobre dernier. Plus de 100 Australiens ont été tués ou mutilés dans cet acte barbare commis sur cette île si pacifique par le passé. Parmi les victimes des terroristes il y a des membres de notre syndicat, des proches et des amis. Je pense que notre réunion défendra l’opinion que le terrorisme et son nouveau partenaire, l’intégrisme religieux, n’apportent pas de réponse aux injustices économiques et sociales que des personnes civilisées doivent traiter à l’aide de méthodes civilisées.

 

Et bien, vous voyez chers amis que la situation politique en toile de fond de notre rencontre est comblée de questions d’envergure et urgentes.

 

Permettez-moi quelques remarques sur les questions économiques et professionnelles qui nous occupent. A mon avis, en font partie les points suivants :

 

  • La remise en cause de la légitimité des syndicats et des droits syndicaux ;

 

  • Les politiques économiques libérales qui voient dans les syndicats une entrave à la croissance économique ;

 

  • La concentration rapide du capital et du pouvoir politique entre les mains des multinationales qui se substituent à l’État souverain ;

 

  • Le rôle des multinationales dans l’industrie de la construction et leur mainmise sur le marché du BTP en Asie-Pacifique ;

 

  • L’interaction entre multinationale et régulateurs mondiaux tels que l’OMC et la Banque mondiale ;

 

  • Les tentatives mises en œuvre par le grand capital pour légitimer la libre circulation de la main-d’œuvre au-delà des frontières nationales dans le but de casser les normes réglementaires ;

 

  • La question de savoir comment les syndicats doivent aborder le problème des travailleurs migrants – qu’ils soient légaux ou clandestins ;

 

  • La question de savoir comment les syndicats de notre région doivent communiquer et s’engager dans des actions de solidarité afin d’atteindre nos objectifs réciproques.

 

Chers camarades, je n’ai abordé que quelques questions majeures. Il existe une pléthore de questions et de défis qui devront être posés, je l’espère, au cours de nos délibérations durant les deux jours qui suivront.

 

En avril dernier, l’UITBB a réuni sa 13ème Conférence mondiale à Larnaka, Chypre. Elle s’est fixé un plan ambitieux visant à renforcer l’organisation afin que nous puissions jouer un rôle plus actif, intervenir et faire face aux politiques dangereuses, antidémocratiques et anti-populaires de l’économie libérale.

 

Les délégués à la 13ème Conférence m’ont élu président. Je suis très honoré, mais je sens aussi tout le poids de la responsabilité qui m’incombe pour aider à développer notre Internationale avec le concours de toute l’équipe dirigeante.

 

L’UITBB a convoqué une rencontre similaire à Cuba, la semaine prochaine. Les syndicats de la construction des pays d’Amérique latine seront réunis pour discuter de questions et de sujets similaires à ceux traités par nous ici.

 

Vous trouverez dans vos dossiers de la Conférence, les documents clés et les décisions émanant de la 13ème Conférence de l’UITBB. L’UITBB est vivante et elle se développe aujourd’hui, car il existe de nombreuses organisations syndicales de la construction à travers le monde qui sont sur des positions de syndicalisme de classe et agissent conformément.

 

Il n’existe pas de voie aisée pour confronter le capitalisme. Les syndicalistes qui âme et corps s’engagent pour les membres du syndicat et la classe ouvrière en général doivent savoir qu’il existe une organisation internationale des travailleurs de la construction et du bois qui partage dette approche et ces aspirations. Bien sûr, compte tenu que l’UITBB est sur une position politique de luttes de classe, elle n’est pas toujours bien reçue dans les centres de pouvoir européens et américains. Il est évident que les ressources qui vont vers des Internationales syndicales plus coopérantes ne vont pas à l’UITBB. Mais ce qui est important ici, ce sont les idées, l’engagement et la capacité à montrer la voie, et de ce point de vue l’UITBB est riche.

 

Avant de vous laisser la parole, j’aimerais exprimer mes remerciements à mon organisation, la CFMEU qui a accepté d’accueillir cette rencontre. Mes remerciements vont également à l’adresse de John Robertson qui a bien voulu inaugurer notre rencontre, à Lindsay Frazer, Tom Roberts et Linda Hockey pour tout le travail qu’ils ont fait pendant des mois en préparation de notre Conférence. Merci aussi au chercheur de l’université de Sydney, Stuart Rosewarne, pour avoir accepté de partager avec nous ces connaissances sur la région Asie-Pacifique.

 

Je n’ai plus qu’à vous souhaiter une fois de plus la bienvenue et bon travail

 

John Sutton

18 novembre 2002