Discours de Ramasamy Singaravelu (CWFI Inde) à la reunion euro-méditerranéenne à Athènes, juillet 2017
Chers camarades,
L’économie mondiale reste sous l’emprise de la crise économique mondiale. Selon le rapport de l’OCDE, la croissance annuelle des pays du G7 stagne : les taux de croissance sont les suivants : 1.8% en Allemagne, 1.1% en France, 1% au Japon. La classe capitaliste mondiale poursuit ses tentatives de sortir de la crise en intensifiant ses attaques contre la classe ouvrière et le peuple travailleur dans le but de protéger et d’accroître les profits. Les mesures dites d’austérité appauvrissent la vie.
Le rapport d’Oxfam sur les inégalités fait état d’une croissance énorme des inégalités au cours des dernières 30 années, moment où le néolibéralisme est devenu l’idéologie des classes dirigeantes. 8 hommes, dont 6 aux États-Unis, possèdent aujourd’hui 50 % des richesses du globe, soit l’équivalent des richesses de 3.2 milliards de personnes qui représentent la moitié la plus pauvre de l’humanité. Les 50 % au bas de l’échelle de la population mondiale ne possèdent que 0.12% de la richesse mondiale.
Nombreux sont ceux qui dans le monde n’ont pas un minimum pour satisfaire leurs besoins fondamentaux :
* 2.5 milliards de personnes n’ont pas accès aux infrastructures sanitaires
* 1.3 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité
* 730 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable
* 3-5 millions d’enfants meurent de faim tous les ans
*Près de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition endémique
* Plus d’un milliard de personnes restent encore privées d’accès à l’internet.
Les emplois permanents sont remplacés par des emplois précaires. Selon les données de l’OIT, 42% du nombre total de travailleurs ont un emploi précaire. L’utilisation de la mécanisation, de l’automation et de la robotique se développe à un rythme accéléré. L’évasion fiscale a atteint des dimensions colossales. Les ressources naturelles et les entreprises d’État sont placées entre les mains d’entreprises privées à des prix risibles. L’agriculture est rendue invivable.
Le néolibéralisme s’attaque aux droits fondamentaux de la classe ouvrière, y compris le droit de se syndiquer. Il essaie d’affaiblir les syndicats. Entre 2015 et 2018, 1.3 million de robots industriels auront été installés dans les usines à travers le monde. Les robots peuvent exercer aujourd’hui les opérations les plus diverses : ils peuvent traire les vaches, cueillir des fruits, charger les camions, servir quelque 120 cafés en 1 heure, gérer des hôtels, prendre des décisions à la place des directeurs, rédiger des rapports d’entreprise, enseigner aux enfants les sciences et les mathématiques, rédiger des articles, composer de la musique, faire des points de suture sur des tissus mous et des opérations chirurgicales de manière entièrement indépendante et sans contrôle humain, poser des briques et produire des maisons modulaires.
Maruti Suzuki en Inde exploite près de 5000 robots dans ses usines dans l’État du Haryana, soit un robot pour quatre salariés. L’intelligence artificielle, l’internet des choses, la robotique, l’automation, etc. constituent la « 4e révolution industrielle ». Nous devons étudier de près ces développements ainsi que leurs incidences. Aujourd’hui, le mécontentement à l’égard des politiques néolibérales augmente dans le monde entraînant des changements dans la situation politique. Bernie Sanders aux États-Unis, Jeremy Corby au Royaume-Uni et la Gauche en France se sont ressaisis. La victoire de Lénine Moreno qui a mis en échec le candidat de droite en Équateur est un bon signe d’une idéologie de gauche qui progresse.
Selon une enquête réalisée en Grande-Bretagne, 3 Britanniques sur 5 ont une opinion positive du socialisme. Une autre étude réalisée l’an dernier par l’université Harvard a conclu que 51% des jeunes âgés Américains entre 15 et 29 ans ne soutiennent pas le capitalisme.
Seule la FSM s’efforce de syndiquer les travailleurs à partir d’une approche de classe et d’une compréhension correcte du rôle de la classe ouvrière pour mettre fin à l’exploitation.
Il est extrêmement inquiétant de devoir constater que des partis de droite gagnent en popularité et remportent des victoires électorales dans divers pays européens. La trahison des partis sociaux-démocrates et d’autres partis de gauche qui ont abandonné les positions pro-ouvrières et en faveur du peuple pour se faire les protagonistes du néolibéralisme, est une des raisons importantes de la montée des forces de droite.
Les États-Unis poursuivent les efforts visant à établir leur hégémonie mondiale en s’appuyant sur leur force militaire. Depuis l’arrivée au pouvoir de Trump, les États-Unis ont lancé des attaques militaires contre la Syrie sous prétexte que la Syrie aurait utilisé des armes chimiques. Les militaires américains ont largué la bombe non nucléaire la plus puissante, la « mère de toutes les bombes » sur les insurgés de DAESH en Afghanistan. Les forces aériennes américaines de concert avec leur allié saoudien ont lancé des attaques qui ont causé la mort de centaines de civils au Yémen. Trump a interdit d’entrée aux États-Unis les ressortissants de sept pays islamiques. Les restrictions imposées par Trump concernant l’octroi des visas H1-B ont créé des incertitudes pour un nombre important de citoyens d’Inde travaillant aux États-Unis. Il a aussi drastiquement réduit les allocations budgétaires pour certains programmes sociaux, tout en abaissant le taux d’imposition des riches et en augmentant les dépenses militaires. Il a retiré les États-Unis de l’accord de Paris sur le changement climatique en accusant l’Inde et la Chine de bénéficier d’avantages et de concessions démesurés.
Les sanctions économiques inhumaines contre Cuba n’ont pas été levées et les États-Unis continuent d’occuper un territoire cubain dans la baie de Guantanamo. Au Venezuela, les forces réactionnaires de droite ont été encouragées à intensifier leurs attaques contre le gouvernement de Maduro. La Cisjordanie compte sur son territoire 196 colonies israéliennes illégales, une situation qui a été avalisée par le parlement d’Israël. 7000 Palestiniens, parmi eux 300 enfants, sont incarcérés dans les prisons israéliennes. Qatar est puni du fait qu’il n’appuie par la ligne américiane à l’égard de l’Iran. Des millions de travailleurs migrants, y compris des indiens travaillant au Quatar, sont confrontés à une situation difficile et incertaine du fait de l’interdiction frappant les transports aérien, terrestre et maritime en direction de ce pays. La Chine socialiste a été en mesure de réduire les inégalités grâce aux interventions gouvernementales concernant par exemple l’augmentation du salaire minimum et des prestations de sécurité sociale.
La situation en Inde
Le Premier ministre Modi a fait de l’Inde un partenaire militaire junior stratégique des États-Unis et abandonné la politique de non-alignement. L’entrée sans scrupule à hauteur de 100% de capitaux d’investissement étrangers et du secteur privé dans des secteurs stratégiques tels que le transport ferroviaire, la défense, les opérations portuaires, l’industrie du charbon, etc. sont devenue la norme. Les prix sur les produits de consommation de première nécessité sont en hausse. Ce processus s’accélère du fait de l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée à partir du 1er juillet 2017. Le 1% des plus riches en Inde détiennent des richesses dont la valeur équivaut à celle des avoirs de 55,4% des personnes en bas de l’échelle sociale. Aujourd’hui l’Inde compte 57 milliardaires.
L’évasion fiscale pratiquée par les entreprises a atteint 90 milliards d’euros et le non remboursement de prêts bancaires s’élève à 100 milliards d’euros. En outre, elles bénéficient annuellement d’exonérations fiscales à hauteur de 70 milliards d’euros. La terre des paysans est saisie et remise aux groupes industriels.
Dans son manifeste électoral le parti au pouvoir BJP avait promis la création de 20 millions d’emplois par an. Mais au cours des 9 derniers mois de l’année 2016, seuls 231000 emplois ont été créés. En outré, l’agence internationale McKinsey a évalué que près de 50-60% des employés actuels du secteur de l’informatique perdront leur emploi dans les prochaines 3 à 4 ans. Selon les informations reçues, les entreprises Infosys, Wipro, Cognizant, TCS, Tech Mahindra etc. envisageraient la suppression de 60 000 emplois.
Le gouvernement a interdit l’abattage de bovins sur tous les marchés à travers le pays en apportant des modifications à la loi sur la prévention de la cruauté envers les animaux. Les taureaux, les vaches, les bœufs, les buffles,les génisses, les veaux et les chameaux sont définis comme des bovins. Les paysans ne pourront pas vendre leur bétail improductif ce qui les privera de l’argent nécessaire à l’achat de nouveaux animaux. Ne pouvant pas vendre leur bétail sur les marchés, ils seront forcés de vendre aux grands commerçants et aux entreprises qui les achèteront directement des agriculteurs à des prix dérisoires. En plus, l’industrie d’exportation de viande bovine représentant 1,07 milliard d’euros, un grand nombre de ses salariés seront également gravement affectés. Le secteur de la volaille, qui emploie 2,5 millions de personnes, principalement des couches les plus faibles de la société, sera également gravement touché. Les groupes de protection de la vache appartenant au parti au pouvoir jouent un rôle déterminant dans les attaques collectives contre les musulmans et autres groupes de la population. 23 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées.
Le gouvernement a modifié la loi sur les entreprises, supprimant ainsi la limite de 7,5% du bénéfice net au cours du dernier exercice et l’obligation de divulguer le nom du parti politique auquel la contribution a été apportée. Les entreprises peuvent maintenant payer des montants illimités dans le cadre du système des obligations électorales.
Le gouvernement encourage les syndicats affiliés à la centrale BMS, un affilié de RSS. RSS est une organisation qui prêche l’idéologie Hindou Rastra. Elle considère les musulmans, les chrétiens et les communistes comme ses ennemis. Le Premier ministre Modi a été un adepte de RSS depuis 1975. Toute opposition à la politique du gouvernement est qualifiée « d’antinationale ». Les militants de RSS ont attaqué les bureaux des partis de gauche dans plusieurs États.
Le gouvernement central a retiré de la circulation les billets de banque de 500 Rs (roupies) et de 1000 Rs à partir de novembre 2016, sans émettre les montants équivalents en monnaie nouvelle, créant d’énormes difficultés pour la grande majorité de la population.
Le gouvernement central a décidé de regrouper 44 lois fondamentales relatives au monde du travail en les réduisant à 4 codes du travail. Ces codes concernent les salaires et ils fusionnent les lois sur la sécurité sociale concernant tant les travailleurs formel qu’informels.
Les travailleurs de la construction
La Loi sur le protection sociale des travailleurs de la construction est une des 15 lois. Le gouvernement veut saisir l’intégralité des moyens à disposition de divers fonds de sécurité sociale équivalant à un montant de 160 milliards d’euros pour les placer sous le contrôle du Conseil national de la sécurité sociale, dirigé par le Premier ministre. Ainsi les fonds de sécurité sociale seront gérés par une seule autorité centrale sans participation tripartite et elle pourra les mettre à la disposition de spéculateurs qui se serviront pour satisfaire les appétits du groupe de pression du capital financier.
Les attaques contre les droits syndicaux ont pris de l’ampleur. Un complot a été monté par la direction japonaise de Maruti Suzuki dans l’État de Haryana avec l’aide de provocateurs désignés par l’entreprise; cette violence a causé la mort d’un directeur général. Les travailleurs ne sont en aucun cas impliqués dans son meurtre. Toutefois, 200 travailleurs, y compris les dirigeants syndicaux, ont été arrêtés et jetés en prison et 500 employés permanents ont été licenciés. Au bout de 4 ans, 13 travailleurs ont été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour meurtre et 14 autres ont été condamnés à 5 ans de prison.
Dans le même État de Haryana, dans l’entreprise AISIN Automotive Ltd., 20 travailleurs, dont 4 femmes qui avaient pris l’initiative de former un syndicat, ont été sommairement licenciés. Lorsque d’autres travailleurs ont protesté, tous les 700 ont été renvoyés de l’usine. Ils ont pu reprendre leur travail seulement après avoir signé un engagement écrit à ne pas adhérer à un syndicat.
Toutes les couches de la population, la classe ouvrière, les agriculteurs, les jeunes, les femmes, les intellectuels progressistes sont mobilisées dans la lutte contre la démarche fasciste du gouvernement indien.
Nous comptons avec le soutien et la solidarité de la classe ouvrière internationale dans notre combat pour relever les défis et aller de l’avant pour construire une société sans exploitation qui utilisera pleinement les ressources naturelles et humaines, y compris les progrès de la science et de la technologie au service du progrès et des masses travailleuses. Toutes les centrales syndicales à l’exception de la BMS se sont rencontrées le 2 juin 2017 et ont décidé de convoquer une rencontre nationale des travailleurs au mois d’août 2017 à New Delhi pour discuter et décider le contenu d’une campagne conjointe et de la lutte unitaire à l’échelle nationale.