Rapport sur COVID-19 de l’Uruguay (Daniel Diverio)

Daniel Diverio (Secrétaire général du SUNCA et président de l’UITBB)

En Uruguay et dans toute l’Amérique latine nous nous trouvons actuellement confrontés à un scénario très complexe en raison de la pandémie et de la situation sanitaire urgente due au Covid-19.

Cette situation a entraîné l’effondrement de nombreux secteurs économiques avec en conséquence une augmentation du chômage et la précarisation de l’emploi.

Le fait que les travailleurs ont été dans l’impossibilité de se mobiliser dans la rue a créé un terrain fertile pour la droite et  l’application de ses politiques néolibérales. Cela s’est vérifié dans un certain nombre de pays, notamment au Chili, en Équateur, en Bolivie et au Brésil, des pays où les peuples avaient regagné du terrain grâce aux grandes mobilisations pour défendre la démocratie et repousser les coupes budgétaires.

En Uruguay, la défaite électorale de la Gauche qui a porté un coup dur à l’ensemble des forces populaires, a vu l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de droite.

Dans le droit prolongement de tous les gouvernements de droite, le gouvernement actuel a pour objectif de mener à bien un réajustement brutal se traduisant par un règlement de comptes avec les travailleurs et les couches populaires en écourtant les droits conquis au cours des 15 dernières années et en imposant de nouvelles coupes salariales et sociales. Pour y parvenir, le gouvernement s’appuie sur les grands moyens de communication de masse, la « judiciarisation » de la politique et la mise en œuvre d’une campagne visant à discréditer le mouvement syndical et les organisations sociales.

S’appuyant sur sa majorité parlementaire, le gouvernement à soumis sous forme accélérée au vote du parlement un loi urgente comprenant plus de 500 articles ayant pour objectif la criminalisation de la protestation populaire et la privatisation des entreprises d’état tout en recourant à la répression et en s’attaquant au droit de grève.

Nul doute que la pandémie crée une situation idéale pour la mise en application de ce type de politiques, vu que les masses populaires ne peuvent pas s’exprimer dans la rue.

Qu’à cela ne tienne, nous les travailleurs nous avons trouvé les formes de mobilisation nécessaires.

Au mois de février nous avons tenu le 17e Congrès de notre syndicat SUNCA avec la participation de 1 800 délégués venus des quatre coins du pays. Les congressistes ont examiné la situation et pris la décision de n’accepter aucune amputation des droits syndicaux sans livrer bataille. Cette année, la majorité des conventions collectives y compris celle de la construction sont arrivées à échéance, d’où l’incertitude quant aux propositions du gouvernement pour la nouvelle convention collective.

Le syndicat SUNCA a décidé de se mobiliser et de livrer bataille pour défendre la loi sur la négociation collective et de ne signer aucun accord salarial qui ne garantisse pas le maintien du niveau des salaires et des conditions de travail. Quant au gouvernement et aux chambres des employeurs, ils ont proposé de ne pas ouvrir la négociation et de suspendre tout type de réajustement salarial, ce qui se traduirait clairement par une baisse du pouvoir d’achat et un abaissement des salaires pur et dur.

Le SUNCA a élaboré un plan d’action pour tout le mois de mai. Au début du mois, nous avons organisé en commun avec l’organisation centrale des syndicats une caravane avec la participation de centaines de milliers de citoyens et citoyennes à travers tous le pays, suivie d’une série d’activités à l’occasion de notre date anniversaire, notamment une réunion plénière de nos délégués devant notre siège social, à laquelle ont participé plus de 500 délégués des bourses de travail de Montevideo.

Compte tenu de l’impossibilité de réaliser des mobilisations avec une forte concentration de travailleurs, nous avons recouru à des formes alternatives, notamment la tenue de rassemblements locaux, départementaux, etc. en respectant les règles de sécurité liées à l’urgence sanitaire, telles que la distanciation sociale, les masques, le gel hydroalcoolique, etc.

Le 4 juin, nous avons organisé une mobilisation massive dans tous les départements du pays, plus particulièrement devant le siège du ministère du Travail, pour exiger l’ouverture de la négociation collective.

En plus de ces mobilisations militantes nous avons pu organiser les élections syndicales nationales, les 16,17,18 et 19 juin. Les urnes de vote mobiles ont circulé pendant ces quatre jours dans tous les lieux de travail, et des urnes fixes étaient installées dans tous les locaux syndicaux, où elles étaient accessibles aux travailleurs en chômage, pour que ceux-ci aient aussi la possibilité d’exercer leur droit d’élire leurs représentants.

En toute responsabilité et avec grande joie près de 25 000 travailleurs ont déposé leur bulletin dans les urnes en appui de leur syndicat, lançant ainsi aux organisations patronales et au gouvernement un signal clair confirmant que pour les travailleurs le SUNCA et l’organisation qui les représente pleinement.

À l’issue de ces élections, la liste 658 a obtenu la majorité absolue, soit 11 mandats sur 15. Elle a par ailleurs conservé la direction des 4 branches annexes ainsi que la majorité dans 17 départements sur 19.

Maintenant il incombe à notre orientation syndicale la responsabilité de diriger le syndicat pendant la nouvelle période.

Toujours au mois de juin, nous avons réalisé des arrêts de travail spontanés et perturbateurs dans tous les centres de travail, tant et si bien que l’ensemble de ces actions a dans un premier temps obligé le gouvernement à faire marche arrière et à convoquer la négociation collective qui débutera le 6 juillet de cette année.

Ainsi nous avons réussi à sauvegarder une des conquêtes les plus importantes des 15 dernières années, à savoir la loi sur la négociation collective. Maintenant, l’objectif consiste à obtenir un accord collectif garantissant le maintien du niveau des salaires et comprenant des dispositions permettant d’améliorer les conditions de travail. Le début de ces négociations coïncide avec la tenue d’actions concrètes, notamment une assemblée générale convoquée pour le 15 juillet avec la participation de 20 000 travailleurs sur une grande place publique en respectant les précautions sanitaires (distanciation sociale, masques, gel, etc.)

Nous n’avons pas changé de méthode : nous menons la négociation dans les instances correspondantes tout en restant mobilisés dans la rue.

Nous avons la ferme volonté de surmonter les difficultés générées par la pandémie afin de pouvoir développer des activités en coordination avec les syndicats et organisations en Amérique latine et dans d’autres régions du monde. Il est nécessaire que notre UITBB et FLEMACON puissent passer à l’offensive dans une situation marquée par la crise du capitalisme et sa tentative brutale de régler les comptes avec les peuples.

Daniel Diverio

Secrétaire général du SUNCA et président de l’UITBB

Photos: Fotos